Alors que le monde tente de contenir l’épidémie actuelle de Covid-19, la République Démocratique du Congo (RDC) doit relever le défi supplémentaire de s’attaquer simultanément à une autre zoonose : la Maladie à Virus Ebola. Nous avons mené une enquête auprès des répondants dans ville de Goma et la commune rurale de Mutwanga pour étudier l’impact socio-économique de ces deux flambées épidémiques dans la province du Nord Kivu, et avons constaté des effets beaucoup plus importants du Covid-19 sur les revenus, l’accès à la nourriture et le comportement des enquêtés. Au-delà des effets socio-économiques immédiats, il est probable que des effets encore plus graves surgissent à long terme, ce qui pourrait prolonger et intensifier l’instabilité dans la région. Nos résultats montrent que des virus modérément virulents mais hautement transmissibles peuvent déclencher un fort ralentissement économique, en particulier dans les zones fortement interconnectées sur le plan économique.
Bien que la morbidité et la mortalité d’Ebola au Nord-Kivu aient considérablement dépassé celles de Covid-19 au moment de notre enquête, nous trouvons que la Covid-19 a en moyenne un impact beaucoup plus important sur les moyens de subsistance. Alors que 85% des répondants font état d’une baisse des revenus due à la Covid-19, seuls 14% indiquent que le virus Ebola a eu un tel effet. En outre, 58 % des répondants déclarent que la Covid-19 a compromis leur sécurité alimentaire, alors que pour Ebola, ce n’était le cas que pour seulement 8 %. Un tiers des répondants établissent de plus un lien entre la Covid-19 et une incidence plus élevée de la criminalité, tandis que 11 % seulement signalent un tel effet pour le virus Ebola.
L’impact des zoonoses, plus important dans les mégapoles interconnectées
Il est également intéressant de noter que – qu’il s’agisse de revenus, de sécurité alimentaire ou de criminalité – la part des répondants qui signalent un impact de la Covid-19 ou d’Ebola est plus élevée dans la mégapole de Goma qu’à Mutwanga, une commune rurale située près de l’épicentre de la dixième épidémie d’Ebola du pays. Cela peut être lié aux mesures de confinement drastiques qui ont été appliquées dans les zones urbaines densément peuplées. Elle reflète aussi les interconnexions économiques de la ville, en termes de commerce transfrontalier avec le Rwanda voisin et son propre secteur de services dynamique. Nous observons que 32 % de notre échantillon de PMEs à Goma ont licencié des employés à cause de la Covid-19, et 13 % ont suspendu leurs activités. Les petits magasins, restaurants et bars ont été, sans surprise, les plus affectés.
La haute transmissibilité explique pourquoi l’impact de la Covid-19 l’emporte sur celui d’Ebola
Il existe de nombreuses différences virologiques entre Ebola et Covid-19, mais la transmissibilité est la différence la plus importante du point de vue du coût économique. La Covid-19 se propage par les gouttelettes respiratoires et présente de nombreux cas asymptomatiques, ce qui permet à son hôte humain de propager librement le virus. Le virus Ebola se propage par contact avec des liquides organiques et présente une infectiosité pré symptomatique très faible, tuant souvent son hôte humain avant que de nombreuses autres personnes ne soient infectées. En raison de la transmissibilité modérée d’Ebola et des efforts de réponse ciblés déployés par la population et les autorités, l’épidémie de 2018-20 a été contenue dans une zone géographique limitée sans introduire de mesures de confinement ou de fermeture des frontières. En revanche, la Covid-19 s’est rapidement transformé en pandémie malgré les mesures de confinement et la fermeture des frontières au niveau mondial. Les politiques de confinement locales et régionales drastiques ont déclenché un impact économique négatif immédiat au Nord Kivu. Le ralentissement économique mondial a encore aggravé l’impact par l’interconnexion économique, entraînant une diminution de la demande et des prix des minéraux – les principaux produits d’exportation de la RDC – et une augmentation du prix des produits de première nécessité.
Implications à long terme
Les simulations de l’impact de la Covid-19 montrent que la République Démocratique du Congo est l’un des trois pays les plus confrontés au risque d’aggravation de l’insécurité alimentaire, et avec une augmentation estimée la plus importante du nombre de pauvres. Nos conclusions corroborent ces sombres prédictions. Outre le coût socio-économique immédiat que nous observons actuellement, il y aura probablement de graves effets tenaces liés à l’abandon scolaire, à la diminution de la consommation alimentaire pendant la petite enfance, à l’interruption des campagnes de vaccination, et très probablement aussi à une reprise des revenus issus des envois de fonds et des exportations de ressources qui sera lente. De plus, et comme le suggèrent déjà nos résultats sur l’incidence autodéclarée de la criminalité, la crise de la Covid-19 pourrait prolonger et accentuer encore l’instabilité dans la région du fait du ralentissement de l’activité économique et du tarissement de l’emploi.
Deux lieux de recherche, deux zoonoses
En Mai 2020, nous avons mené 600 entretiens téléphoniques avec des ménages et des petites entreprises dans deux localités du Nord-Kivu: à Goma, une mégapole située juste à la frontière avec le Rwanda, et à Mutwanga, une commune rurale située près de l’épicentre de la dixième épidémie d’Ebola du pays. L’épidémie d’Ebola a été déclarée en Août 2018, et avait causé 3462 cas et 2279 décès à la fin Mai 2020. La Covid-19 a été détectée pour la première fois au Nord Kivu le 31 mars 2020, et deux mois plus tard, 43 cas de Covid-19 ont été confirmés dans la province, principalement à Goma.
Papier complet disponible
Télécharger le papier de travail complet du site web de recherche IOB.
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